Concevoir
des bâtiments et des villes comme des écosystèmes,
néguentropie et biodiversité positive
22.05.2008
14.07
Jusqu'à maintenant
construction et paysage, ville et nature, maison et jardin vivaient
bien séparés. Les maisons renfermaient bien quelques
plantes vertes ou bien se laissaient envelopper de lierre ou de
vigne américaine, les jardins acceptaient quelques pavillons
décoratifs mais en dehors de cela les frontières
étaient bien marquées, les limites bien établies
: à chacun son territoire, l'un à l'intérieur,
l'autre à l'extérieur.
Il est temps maintenant d'ouvrir la porte
aux chouettes, coccinelles, chauves souris, hérissons,
rapaces, crapauds, hirondelles et martinets, musaraignes, choucas,
cigognes, abeilles, mésanges, grenouilles et rainettes,
passereaux, tritons, sittelles, salamandres et rouges queues
Nous allons voir pourquoi et comment il faut briser cette frontière.
Comment mettre de la vie dans les constructions, construire des
écosystèmes ? Comment enrichir la ville en biodiversité
?
La terre n'est pas un
système fermé sur elle-même, elle capte l'énergie
du soleil, et émet moins d'énergie qu'elle n'en
reçoit
Depuis sa constitution, ses éléments
n'ont cessé d'évoluer et d'accroître en complexité
jusqu'aux acides aminés qui formèrent un nouveau
type d'organisation : la vie
L'énergie solaire est absorbée par les plantes et
les animaux pour la transformer en une organisation plus complexe,
un ordre plus grand, une création par opposition au mouvement
de destruction ou à l'entropie. Ce phénomène
porte le nom de néguentropie.
L'art, la musique, la littérature pourraient être
présentés comme une forme humaine de néguentropie
Dans la nature, elle s'illustre par le passage d'un écosystème
simple (comme une dune de sable ) à un système complexe
(comme une forêt). La dune possède un sol uniforme
( le sable) avec peu d'éléments organiques et peu
d'interactions entre eux, peu de relations entre les espèces,
peu de procédés physique, mais un milieu très
instable ( variant avec le climat, l'océan
). La forêt
est quant à elle, beaucoup plus complexe, son sol varie
en niveau de stratification, elle renferme une biodiversité
riche et beaucoup d'espèces variées et vivant en
symbiose dans un microclimat et un milieu stabilisé
L'évolution de la vie dans ce mouvement créatif,
forme des équilibres dynamiques permettant à l'uniformité,
à la simplicité de devenir multiple, et complexe
; favorisant la multiplication et la diversité des espèces,
l'ensemble vivant en symbiose, en équilibres, en complémentarité
et en interdépendance dans un milieu stabilisé.
Cette interdépendance, cette complémentarité
entre les organismes se caractérise par exemple dans les
différents cycle de vie, la reproduction, la compétition,
la chaîne alimentaire, l'adaptation, la régulation,
la survie
Chaque créature étant unique, poursuit
un destin unique, ni inférieur, ni supérieur, ni
même égale, mais différent. Chacune a une
responsabilité dans la biosphère.
L'opposé de ce sens créatif est l'entropie, la régression,
le sens de la destruction. Si la nature fonctionne par création/destruction,
les flux de destruction ayant une fonction dans la création
de relation nouvelle, l'activité humaine a favorisé
ce sens destructif. Celui-ci a été accéléré
par la croissance démographique, l'industrialisation, l'agriculture
et l'urbanisation en expansion depuis le 20e siècle. On
constate aujourd'hui un effondrement mondial de la biodiversité,
cela touche non seulement l'extinction des tigres, des orangs-outans
ou des ours polaires, mais atteint aussi les villes européennes
comme 50 à 60% des moineaux disparu en 30 ans.
Les causes de cette crise sont multiples, elles concernent par
exemple la destruction et le morcellement des habitats sauvages
(forêt, marais
), le prélèvement excessif
(surpêche ), l'introduction d'espèces étrangères
déséquilibrant les écosystèmes et
les chaînes alimentaires
La perte de la biodiversité constitue non seulement un
appauvrissement alimentaire ou pharmacologique, mais déstabilise
aussi le grand équilibre géochimique et climatique
formé par l'ensemble des créatures, entraînant
par exemple la diminution de certain prédateurs et la prolifération
d'espèces nuisibles, la perte des protections contre les
inondations, la réduction de l'absorption de CO2
Si l'on pense en terme de création, de néguentropie,
il est possible de favoriser les écosystèmes, les
réparer voir même les recréer. Il s'agit avant
tout de les protéger, d'éviter de les détruire
en urbanisant des territoires naturels, en mesurant l'impact des
constructions, en limitant l'empreinte écologique et l'appauvrissant
des habitats (déforestation ), en réduisant les
polluants rejetés dans l'air, l'eau, les sols, en proscrivant
les engrais chimiques, désherbants, insecticides, dispositifs
antinuisibles, (pigeons, rongeur, insecte ), enfin, en commençant
chaque projet par une bonne analyse écologique
Un certain nombre de
dispositifs peuvent être mis en uvre pour améliorer
et favoriser la biodiversité dans les tous les types de
structure bâtie construction, aménagements ou installations
susceptibles d'être recolonisé par la nature: Maison,
immeuble de bureau et d'activité tertiaire, clôtures,
mobilier urbain, abris-bus, banc public, lampadaire, pile de pont
>
Intégrer une trame écologique :
Les écosystèmes sont affaires de relation, d'interrelation,
de connexions et le projet doit prendre en compte toutes les unités
constitutives du monde vivant (flore et faune, champignons, etc.),
leurs différents niveaux d'organisation, ainsi il doit
chercher à intégrer une maille de la trame écologique,
à travers les réseaux des corridors biologiques,
à l'échelle locale, régionale, ou même
continentale. S'il est isolé, la colonisation du milieu
par la faune, la flore et les champignons ne pourra pas se faire
naturellement.
De plus, même si l'on parle de biodiversité, il n'est
pas question de créer un jardin exotique, mais bien de
favoriser les espèces naturellement et normalement présentes
sur le site concerné que l'on cherche à préserver
et à développer.
>
Recréer des habitats diversifié :
La principale mission consiste à mettre en uvre des
supports, des habitats, des niches écologiques pour différentes
espèces animales et végétales, à augmenter
les surfaces d'accueil, diversifier et complexifier les systèmes
refuges, de nichoirs, ou de garde-manger pour une multitude d'espèces
animales, végétales, plantes, insectes, oiseaux,
chiroptère et champignons
La complexité et la diversité des habitats sont
des principes fondamentaux. La biodiversité que l'on cherche
à recréer est liée à la diversification
des milieux, c'est pourquoi plus on juxtaposera des biotopes différents
(mare, fossé, talus, zones d'ombre, de soleil, milieu boisé,
strates herbacées, etc.), plus ils seront susceptibles
d'accueillir une faune et une flore riches et diversifiées.
Il s'agit toujours de comprendre, de respecter ou de restaurer
la complexité fonctionnelle d'un écosystème
local.
Ainsi, on choisira des éléments qui ne sont pas
étrangers aux espèces endémiques, une mare,
une rocaille, une prairie fleurie et on privilégiera les
arbres et végétaux de la région. Un certain
nombre d'élément peuvent ainsi être recréé
:
Hydraulique : mare, ruisseau, lagunage
Végétal : haie (basse, boisée,
), plantes
grimpantes et épiphytes, roncier, herbe rase ou prairie,
fougères, massif de fleur, plantes aromatiques, orties,
strate muscinale (champignon, mousse), strate arbustive et arborescente,
arbres fruitiers, arbuste à baies nourricières et
supports de nidification (aubépine, fusain, houx, if, ronce,
sureau ) chronoxyles ou bois mort (de différentes espèces,
localisations et positions), tas de compost
Construction : muret, clôture et tas de pierre qui abrite
une flore et une microfaune spécifiques, nichoirs, gîtes
et habitats de substitution ou naturel, mangeoires et abreuvoirs,
fissure dans la maçonnerie, anfractuosité, vide
de construction, interstice, brique creuse, tuiles de ventilation
ou autres irrégularités naturelles d'un bâtiment
Tout le volume d'une
structure bâtie peut être colonisé en offrant
de nombreux micro-habitats, ou servir de supports physiques à
des plantes grimpantes qui elles-mêmes abriteront et alimenteront
d'autres espèces, à l'intérieur des murs,
fondations, poteaux, vides, etc..
>
Végétaliser toiture et façades :
Conçu comme un objet minéral, inorganique, chaque
construction peut recevoir sur sa toiture terrasse ou à
faible pente et sur ces façades les végétaux
qui pousseraient naturellement sur une paroi rocheuse. Cette végétation
a une fonction microclimatique, elle règle la température
et l'hygrométrie et joue aussi un rôle esthétique
pour le bâtiment. Elle accueille bien sûr de nombreuses
plantes, mais attire aussi insectes et oiseaux dans ces feuillages.
>
Utilisation dans la construction de matériaux et de produits
favorisant la biodiversité :
Pour éviter le dégagement de polluants dans l'air,
dans l'eau et dans le sol, il est préférable d'utiliser
des matériaux naturels et non toxiques, du bois labellisé
Pour aller plus loin, on pourra placer des éléments
amovibles éventuellement dégradables (brique de
bois amovibles pour les invertébrés xylophages
).
>
Reconstituer des zones humides :
Les zones humides (mare, rivière, marais
) constitue
des écosystèmes très riches en biodiversité.
Une zone humide peut être recréée dans un
dispositif d'assainissement par phytoepuration ou bien pour un
projet de piscine naturelle. Sous l'eau, des récifs artificiels
offrent habitats et refuges. Tout ouvrage immergé devient
également un support potentiel de cette biodiversité
marine ( pile de pont, pied d'éolienne offshore, berge
artificielle ou divers éléments d'infrastructures
immergées, etc.)
> Faire rentrer la biodiversité
dans les constructions
La nature ne connais pas de frontière, animaux et végétaux
ne s'arrête pas aux façades, ainsi il est facile
d'imaginer des aménagements d'accueil pour laisser pénétrer
la vie à l'intérieur des constructions.
Bien sûr les serres, véranda et jardins d'hivers
sont des dispositifs fantastiques pour la végétation.
Ouvrons aussi combles et greniers où cohabitent parfaitement
rapaces nocturnes et chauves souris, quand les sous-sols et les
vides sanitaires deviennent la demeure des hérissons, musaraignes
ou reptiles.
> Auto-entretien
du milieu
Une dernière recommandation concerne l'intervention humaine
sur ces milieux. Si l'homme les favorise et les protège,
il est préférable d'y intervenir au minimum. Un
écosystème sain est un système en équilibre
qui doit pouvoir se stabiliser et se réguler de lui-même.
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